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Pause, retour arrière

Le post de cette semaine risque d’être un peu décousu...Je ne suis pas très clean ce soir. Je ne sais pas ce qu’on m’a filé mais il y a de quoi coller une crise cardiaque à un éléphant, j’ai des pupilles de bambi sous amphet’, le cœur qui se fait un solo de batterie avec mes côtes en spectatrices et j’ai mal partout. Oui, chez moi, ça pourrait presque être habituel, mais là je vais éviter d’ironiser. Je sors de 72 heures de garde-à-vue et je suis obligeamment prié par les autorités de ne pas quitter Tokyo. Oui, fatalement, me prendre en flagrant délit de meurtre, ça énerve un peu la police. Mais je crois que je vais commencer par le début...Enfin ce dont je me souviens. *** J’ai le visage à demi-immergé dans l’eau, une douleur à s’arracher les cordes vocales qui irradie dans tout le bras gauche et la bouche pâteuse. J’entrouvre vaguement les yeux et les referme aussitôt à cause de la luminosité de la pièce...C’est comme si on m’enfonçait des dizaines d’aiguilles dans la rétine. J’ai réalisé qu’un truc n’allait pas à l’odeur. J’ai réalisé que c’était pas de l’eau dans laquelle je pataugeais et c’est ce qui a achevé de me réveiller. Mais en me redressant, je dois me retenir de hurler alors que la douleur explose dans mon bras, comme une palpitation constante. En baissant la tête, je vois mes mains...Et du rouge. Même dans le coltard complet, je comprends que c’est du sang. Mais j’ai pas tout de suite l’idée de me demander si c’est le mien ou pas. J’ai mal, ça tourne, mon visage dégouline et mon estomac entame une véritable révolution, j’ai du mal à simplement garder la position assise. Tourner la tête pour essayer de me repérer relève véritablement de l’exploit et je vois enfin le corps, à moins d’un mètre de moi. Quelque part, entre deux pensées incohérentes, je me dis “T’es raide, Satoru, raide défoncé, putain, tu déconnes, t’es DE-FON-CE et si ça se trouve t’es en train de te vider, là, à la seconde.”. J’essaie de me relever, une fois, deux fois, sans succès. Je retombe dans ma flaque de sang et rigole nerveusement...Mais au moins je commence à y voir un peu plus net et je parviens à m’approcher du corps. C’est lui qui est en train d’imbiber la moquette, moi j’ai l’air à peu près entier, même si vu comme j’ai mal partout, je suis sans doute pas intact. J’arrive pas à me souvenir d’un combat, et encore moins de m’être shooté. Le visage...Me dit quelque chose. C’est une fille et je la connais...Elle me parlait y’a quoi...Une heure ? Un jour ? Un mois ? Nom de dieu, je suis resté dans le cirage combien de temps ? Inspire, calme-toi...La salle de bains...Me nettoyer la figure et les mains, essayer de retrouver les idées claires. Relevant les bras, je remarque deux trucs : j’ai un costume de cérémonie - et c’est pas le mien, même camé jusqu’à la gueule je peux pas me tromper - et j’ai une estafilade maousse sur le bras, qui me remonte quasiment jusqu’à l’épaule. Inspire, putain, Satoru, relève-toi, sors de là, grouille... On croirait que je nage dans la semoule plutôt que je bouge mais il faut que je sorte d’ici. Couvert de sang, entaillé, super idée, vraiment une super idée. “Police ! Ouvrez !” Qu’est-ce que je disais...J’arrive enfin à me redresser mais je dois m’adosser au mur et shoote dans un truc dur, à mes pieds. “Ouvrez ou on enfonce la porte !” “Enfoncez-la, mais arrêter de hurler...” Je grogne en monopolisant toutes mes ressources pour garder la station debout. J’ai réalisé le genre de tableau qu’ils ont eu quand l’un d’eux m’a immobilisé en me déblatérant des conneries à propos d’un avocat. J’ai rigolé. C’était incontrôlable, j’avais l’impression d’avoir un cerveau en surchauffe avec personne aux manettes pour l’empêcher de s’emballer. Je rigolais convulsivement quand ils m’ont sorti de la chambre. En y repensant, j’ai un poids sur l’estomac...Ok, j’étais pas moi-même, c’était une réaction faussée mais putain, je me faisais embarquer pour le meurtre d’une amie et j’étais complètement hilare. Reiko méritait mieux que ça. *** “Mes félicitations, Kondo, vous êtes bon pour notre livre des records !” L’inspectrice Mariko, dont je hante les nuits...Elle est persuadée que je suis dangereux et qu’il serait mieux pour la sécurité de mes concitoyens que je ne me promène pas dehors en toute impunité. Et franchement il y a trois jours je lui donnais pas tort. On peut pas vraiment dire qu’elle ne m’aime pas, elle pense juste que je suis un chien fou capable de bouffer sa muselière et qu’il faut être inconscient pour me confier quoi que ce soit. D’ailleurs, malgré la situation, elle ne souriait pas. Elle m’a balancé mon rapport toxico à la figure et si je n’ai rien compris à ce qui était marqué, j’ai vu qu’un paquet de lignes avaient été biffées au fluo. En soit, c’était déjà assez limpide. “Votre fournisseur doit être l’homme le plus riche de Tokyo à l’heure qu’il est.” “J’ai pas pris de came.” Oui, bon, affirmer ça avec les pupilles qui vous sortent des orbites en marmonnant, c’était pas la meilleure défense. Mais je voyais pas quoi dire d’autre : je ne me suis jamais envoyé même un joint, alors me piquer... “Bien sûr, non. Vos vaisseaux sanguins, Kondo, c’est le métro en heure de pointe à l’heure où je vous parle et encore, vous avez partiellement atterri.” “C’est ça. D’ailleurs, vous pourriez dire à vos larbins quand ils iront fouiller chez moi qu’ils me ramènent mon shit ? Je le planque dans le cartable de ma cousine, avec son goûter. J’aimerais pas qu’ils me le piquent.” “Arrêtez ça tout de suite. Que vous vous marriez parce que vous êtes raide, je peux l’admettre mais à votre place, je pleurerais. L’arme du crime est une dague rituelle authentique - la vôtre, le sceau de votre clan y est apposé et il y a vos traces partout - La porte était fermée de l’intérieur, l’homme à la réception vous a vu monter avec la victime la veille au soir et vous aviez déjà l’air éméché. Ha oui, parce qu’en plus de vous être défoncé, vous aviez visiblement bu un verre.” J’inspire pour essayer d’empêcher ma voix de trembler. “Bien sûr. Je me suis bourré la gueule, pris assez de crack pour finir dans le coma mais j’ai trouvé la force auparavant d’éventrer une fille, de tracer des incantations au sol avec son sang, cette même fille qui a quand même réussi à m’ouvrir le bras avant que je ne l’achève. Fin de l’enquête.” “Comme vous dites.” “Mais merde, Mariko-san, quand vos hommes sont entrés, je tenais même pas debout, comment voulez-vous que je tue quelqu’un dans cet état ?” “Oui, je vous l’accorde, sur le papier ça peut paraître excessif...” Je vois bien qu’elle aimerait me croire mais franchement...A sa place, je me croirais pas non plus. Et quand elle jette sur la table un dossier avec mon nom dessus, j’ai la gorge qui fait un nœud parfait. “Mais excessif, vous l’êtes. Votre dossier médical - je ne parle pas de votre toxicologie - est accablant. Je n’y connais rien en psychiatrie mais il y a bien marqué “troubles hallucinatoires”, non, dans les conclusions ?” S’enquiert-elle en tournant les pages. “Je venais d’arriver à Tokyo, mon père avait disparu, j’étais paumé, déprimé. Je me suis foutu la tête à l’envers et OUI, j’ai fait une crise de delirium. Une fois. Ça ne vous est jamais arrivée de vous démonter pour un coup de blues ?” “Pas quand la sécurité du territoire repose sur moi. On voit le résultat. Ça fait des mois que je dis et répète au ministère qu’il faut vous suspendre, mais cette fois ils seront bien forcés de m’écouter. C’est la victime qui vous a fourni la drogue ?” “Mais j’en sais RIEN ! Je vous dis que c’est le blackout complet, la dernière chose dont je me souviens c’est de son coup de fil, elle me donnait rendez-vous dans un bar. Elle disait qu’elle avait un truc énorme...Qu’il fallait que j’intervienne...Ensuite...je l’ai retrouvée et puis plus rien. J’ai des juste des bribes, des trucs décousus...” Et les bribes, les trucs décousus c’est pas la partie sympathique de mon témoignage : Des coups contre la porte, Reiko qui crie...Quelqu’un qui m’enfonce ma dague dans l’épaule et que je désarme, les os qui craquent. Mon crâne bat la mesure, j’en peux plus et Mariko voit bien que je décroche. “Vous savez pourquoi je ne vous crois pas, Kondo-san ? Parce que vous-même, vous n’y croyez pas. Je ne pense pas que vous soyez un meurtrier en puissance, juste un type malade...Elle vous a proposé un petit “coup de pouce”, vous avez testé et ça a été l’étincelle qui a suffi. Le juge en tiendra compte.” Je me relève brutalement et tape du poing sur le bureau, relançant la douleur dans tout mon bras. “Je l’ai PAS TUEE, PUTAIN ! J’aurais JAMAIS fait de mal à Reiko, JAMAIS accepté de petit “coup de pouce”, j’ai toujours été sobre, merde, je dois le gueuler à quel volume pour que vous m’écoutiez ? Allez vous faire foutre avec votre condescendance, c’est d’une AMIE dont vous parlez, là !” Mes mains tremblent et elle a posé les siennes sur son arme, sans me quitter des yeux. Je dois avoir le regard d’un dingue... “Du calme, Kondo. Je n’ai pas envie de devoir vous amocher.” Je retombe sur mon siège, en sueur. “Pourquoi, vous avez peur que je vous éventre avec votre coupe-papier ? Je vous rassure, je fais ça qu’aux personnes que j’aime bien, vous risquez que dalle.” Elle secoue la tête en me regardant. “On va s’arrêter là pour le moment. Vous êtes en garde-à-vue pour 72 heures avec possibilité de libération sous caution. Ho, je ne me leurre pas, il y aura quelqu’un pour vous faire sortir...” M’agitant mon dossier médical sous le nez, elle me fixe droit dans les yeux. “Mais cette fois-ci, il y aura inculpation. Et si vous n’êtes pas aussi pourri que je le pense, Kondo, vous n’êtes pas prêt de dormir. Votre conscience ne va pas vous foutre la paix.” Je me masse la figure, épuisé nerveusement : “Pour dire ça, inspectrice, vous êtes connaisseuse, non ?” *** Voilà où j’en suis...Je viens de rentrer et pas seul. Shinkin a été renvoyée à Saitama pour sa sécurité (c’est moi qui l’aie demandé, je ne veux pas devoir gérer une petite fille de dix ans alors que j’ai pris une dose de crack) mais ma caution ne s’est pas payée toute seule. Gekkô est venu me chercher sans décocher un mot et m’a ramené chez moi, toujours dans le silence . Ce n’est qu’une fois à l’intérieur de l’appartement qu’il a enfin desserré les lèvres : “Tu me coûtes cher, tu le sais, ça ?” “Et j’ai pas fini avec le procès qui s’annonce. Mariko va me faire plonger, enfin elle aimerait bien.” “Donc, il ne te reste plus qu’à trouver le vrai meurtrier, Satoru-chan. Pour un fin limier comme toi qui a l’habitude de mettre sa truffe n’importe où, ça ne devrait pas être un problème, non ?” Je me laisse tomber sur le canapé et serre les mains. “J’aurais peut-être pas besoin de chercher très loin...Tu sais, j’ai quelques flashs de ce qui s’est passé...Quand on m’a poignardé. J’ai réagi instinctivement et je me souviens nettement avoir cassé le poignet de mon attaquant pour le désarmer.” “Dans ton état, ça dû être la dernière chose que tu as pu faire. Et ?” “Et Reiko avait le poignet brisé.” Des silences et des non-dits entre Gekkô et moi, il y en a eu quelques-uns depuis qu’on se connaît...Et si ce foutu kyûbi n’est rien d’autre pour moi qu’une bête féroce intéressée doublée d’un bel enfoiré, il a une qualité : il me connaît bien. Après un de ces silences, Il hausse un sourcil : “Donc tu déduis de ces deux éléments que tu t’es drogué, que tu as enfilé une tenue de cérémonie - alors que tu as horreur du moindre kimono - que tu as agressé une fille que tu appréciais, au point de la vider de son sang et de pratiquer un rituel de magie noire - que tu ne maîtrises que très partiellement- avant de t’effondrer ? Satoru-chan, je ne te connaissais pas toutes ces aptitudes, mais laisse-moi te dire qu’en scénariste, tu ne feras pas carrière.” “Très drôle. Je te parle de quelque chose de sérieux.” “Mais moi aussi. Et je préfère te le dire immédiatement : l’idée que tu sois coupable me fait rire. Tu as beaucoup de pulsions que tu refoules mais pas celles-ci.” Il me sourit. “Tu côtoies bien trop la mort pour en faire un fantasme.” “Je ne vois qu’une seule manière d’en être sûr. Si tu veux aller chercher le meurtrier ailleurs, libre à toi, de mon côté, je vais faire la chose la plus logique : demander à Reiko qui lui a fait ça. Tu crois que tu pourrais me faire entrer sur une scène de crime sous scellées ?” Gekkô croise les bras en me toisant. “Tu veux dire ramener sur un lieu d’enquête le meurtrier supposé au risque qu’il détruise de précieux indices pour les autorités ?” “C’est à peu près ça.” “Sans problèmes. J’aime travailler avec toi, tu sais ?” “Je n’en doute pas. C’est grâce à toi que j’ai une notion de la légalité très élastique, Gekkô. T’es un foutu bon professeur, après tout.” A suivre, donc...

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Source de l'image : suviko

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