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Je suis un produit générique

Quand on exerce dans les bas-fonds de Tokyo et qu’on se salit les mains pour le gouvernement, on apprend très tôt à se méfier du moindre détail, à le jauger pour ne pas être pris à revers. Et quand il s’agit de vos proches, vous devenez soit parfaitement absent, soit totalement paranoïaque. Avec Shinkin, je suis toujours sur le qui-vive, je sais quel genre de dingue traîne dehors et que pour les humains comme pour les yôkai, elle n’est rien de plus qu’une pièce de viande. Bon, une pièce de viande avec un certain répondant mais à dix ans, je ne suis pas pleinement rassuré par ses talents en self-defense. Alors je suis attentif autant que je peux, attendu que le gouvernement m'a collé dans les pattes une affaire assez crade de sans-domiciles retrouvés en petits paquets de viande dans les parcs.

L’autre soir, Shinkin rentre trempée, visiblement pensive et m’explique à la hâte qu’elle a perdu son parapluie. Shinkin – qui est capable de recompter sa monnaie trois fois pour s’assurer que le compte y est – perdre son parapluie alors qu’il pleut depuis des jours ?

Le surlendemain, je la surprends au téléphone, qu’elle raccroche aussitôt qu’elle me voit avant de me sortir de sa manche les cartes " copine de classe " et " devoirs ensemble ". Shinkin se fout comme d’une guigne que je puisse entendre ses conversations téléphoniques, d’habitude. Je n’ai pas insisté mais elle a senti que je n’étais pas convaincu, à mon avis.

Sa maîtresse, à demi-mot - un soir où je viens la chercher à la sortie - me laisse entendre qu’elle est souvent en retard.

Et hier, je me suis décidé à crever l’abcès en constatant quelque chose qui a collé tous mes signaux d’alarme – et mon humeur – dans le rouge alors qu’elle ôtait ses chaussures dans l’entrée, son cartable encore sur le dos.

" Qu’est-ce que tu as fait de tes chaussettes ? "

Par ce temps et surtout avec son uniforme, jamais elle ne se promènerait jambes nues dehors. Je m’approche et voit passer une lueur de panique dans son regard. Elle a peur de moi ? C’est nouveau, ça.

" Shinkin, je t’ai posé une question. "

" Kaoru a fait tomber le pot de colle sur mes pieds ce matin, j’ai dû les jeter, elles étaient toutes tachées. "

Les jeter ? Elle ? Alors qu’elle a un carton plein de toutes les pires saloperies qu’elle refuse obstinément de balancer, dans sa chambre ? Je fronce les sourcils et me penche avant d’examiner ses jambes…Il y a des traces sur ses genoux, bien qu’elle les ait essuyées, des traces de doigts.

" Arrête de me pipeauter, Shinkin, tout de suite. Qu’est-ce qui s’est passé ? "

On pourrait croire que je suis furieux mais en fait, je suis plus proche de l’affolement, les idées brouillées, fébrile à l’idée que quelqu’un dehors ait pu porter la main sur elle et que je n’ai pas été là pour la défendre. Je m’imagine déjà le pire et en la matière j’ai une imagination très fertile, largement nourrie par les trucs les plus nauséabonds que j’ai pu voir au cours de mes diverses affaires. Je prends la petite aux épaules, m’agenouillant pour être à sa hauteur. J’ai les mains qui tremblent alors que je me force à garder un ton égal. Il manquerait plus qu’elle ait l’impression que je l’engueule.

" Shinkin, réponds-moi. "

Oui, bon, ça ressemble plutôt à une supplique mais je suis pas bon en situation de crise. Elle me dévisage et fond en larmes. C’est bon, là je suis à deux doigts d’alerter l’armée en pleurant moi aussi.

" Je…Je voulais pas… "

Je la prends contre moi et elle bouine son visage contre mon cou, se mouchant allégrement dans mon pull –qui de toute façon en a vu d’autres. J’ai de la glace pilée dans l’estomac et un nœud dans la gorge.

" Je voulais pas te fâcher, oncle Satoru. "

" Me fâcher ? "

" C’est…otô-san qui m’a dit de pas t’en parler. "

Si le soulagement pouvait avoir un quelconque effet sur mon métabolisme, la gosse serrerait un homme liquide dans ses bras. J’inspire à fond avant d’étouffer un rire de gorge. Moi et mon catastrophisme…Shinkin se serait précipitée pour me prévenir si on l’avait agressée.

" Tu es très fâché ? " Me demande-t-elle, la tête contre mon cou.

" Non. Je ne suis pas fâché. " Je rétorque en la détachant pour lui sourire " M’enfin la prochaine fois, sois mignonne, parles-m’en avant que je n’appelle la protection de l’enfance et que je n’ai perdu cinq pourcent de mon espérance de vie, ok ? "

" Tu vas le dire à maman ? "

" Pour qu’elle m’envoie un tueur à gages ? Certainement pas. Mais on peut savoir pourquoi tout à coup tu reprends contact avec lu…"

Je m'interromps en réalisant. Le père de Shinkin…

Tu m’étonnes qu’elle ait tenté de me le cacher : en faisant ça, elle s’est assise sur non moins qu’une décision du maître du clan et de sa mère. Sauf qu’à l’époque de " l’incident ", le maître ce n’était pas moi…Et qu’il serait peut-être bon que je mette un peu d’ordre dans ce foutoir. Merci, mon cher père, de me laisser me démerder – c’est le mot – avec nos petites histoires de famille sordides. J’adore ça.

***

Voilà comment je me retrouve dans le parc de Yoyogi, à dix heures du soir. Shinkin ne m’aurait rien dit, j’ai attendu qu’elle dorme pour sortir et j’ai fait tous les coins à " homeresu " de Tokyo, me faisant opposer le plus souvent un silence glacé et des regards détournés. Malgré ma touche, je ne leur inspire que de la méfiance. Ils refusent mon argent, s’offusquent que je me permette de le leur proposer…Mais finissent par m’aiguiller vers le parc.

Sur l’herbe, dans les recoins, il y a quelques cabanes de fortune, garnies des très reconnaissables bâches bleues. J’ai froid, malgré le mois de Mars qui arrive, les soirées sont encore fraîches et je n’ai pas de gants (ils me gênent pour prier et faire mes incantations quand je travaille) et je n’ose pas vraiment m’approcher, les déranger. Pour moi, c’est aussi intrusif que de sonner à une porte, plus même…parce qu’il n’y a pas de porte, tout simplement.

" Je savais que tu viendrais. "

Je tressaille et tourne la tête. Une silhouette maigre et nerveuse, couvertes de plusieurs vêtements et d’un vieil anorak taché me fixe, un gobelet fumant à la main. Il remarque que je frissonne, le nez rougi.

" Ne t’inquiètes pas, va. Il te suffit de rentrer et de te faire un café pour que ça passe. Je ne te propose pas de partager, celui-là je l’ai gagné. "

Il me passe devant et va s’installer devant sa maison, agenouillé, tirant à lui une couverture avant de me fixer en souriant. Inutile d’être fin sociologue pour voir à quel point je suis mal à l’aise : la misère me dépasse. La mort, la souffrance, le deuil, ce sont des émotions avec lesquelles j’ai l’habitude de composer mais cet immense rien qui avale certaines personnes et les vomit sur le trottoir, mon instruction et ma culture limitée ne savent pas me les expliquer. Je songe au fric investi dans les cadeaux de Shinkin, à celui que balance le gouvernement dans la reconstruction de ce que je démolis régulièrement, mais ce n’est pas ce qui me met mal à l’aise. C’est de me dire que dans quelques jours, je n’y penserai sans doute plus. L’humain et sa foutue mémoire sélective, qui lui place sur les yeux et les oreilles un cache nécessaire à une vie heureuse…

"Bonsoir, Fusakage-san. Je dérange, j’en suis navré."

" Alors ne me dérange pas, tu n’auras pas besoin de t’excuser. J’ai le droit de la voir, je me passerai de l’avis du clan. Vous n’êtes pas au-dessus des lois. "

Il a parlé doucement, aimablement mais les mots sonnaient plutôt comme de la glace. Notre conversation s’annonce sous les meilleurs auspices, je ne lui donne pas deux minutes pour qu’elle tourne à l’engueulade. Il me jette un regard par-dessus son gobelet de café :

" Je n’ai pas plié devant Kaemon, je ne le ferai pas devant une pâle copie, sans vouloir t'offenser, Satoru-kun. "

Ha très bien, on passe directement aux vexations. Parfait.

" Ah oui…Pour plier devant mon père, il aurait fallu qu’il vous ordonne de partir. J’admets, se faire foutre dehors à coups de pied dans le cul a autrement plus de panache. " Je rétorque en enfonçant les mains dans mes poches " Quoi qu’en matière de panache, tromper sa femme est aussi une jolie performance quand on a pris le nom de Kondo. "

Nous échangeons un regard également froid avant que je n’enchaîne :

" Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’a fait mon père. Mais vous exclure m’a semblé être une décision éclairée, au moins pour vous donner une leçon. Vous avez agi comme un pauvre type, navré de vous le rappeler. "

" Mais le pauvre type n’a aucun compte à te rendre, Satoru-kun. Tu as beau être le futur maître… "

" Le maître. J’ai été nommé il y a six ans déjà, il faut vous mettre à la page. Sinon, c’est Kaemon qui aurait pu se déplacer ce soir et vous n’auriez pas aimé. "

Il renifle et boit une gorgée de son café.

" Pour moi ça revient au même. La dernière fois que je t’ai vu, tu exécutais la moindre tache que t’ordonnait Kaemon…Je suis bien placé pour savoir que tu es davantage un larbin qu’un héritier à ses yeux. Je ne te le reproche pas ceci dit, l’endoctrinement fait des ravages et ton père n'estimait personne d'autre que lui."

Je hausse un sourcil avec un sourire narquois. Susciter de la commisération chez un type qui a réussi à griller son avenir professionnel et familial en se tapant des hôtesses bon marché dans les bars de Roppongi, ça pourrait être cocasse…Si le type en question n'était pas le paternel de Shinkin.

" Vous êtes un père exemplaire et moi un pauvre gosse décérébré. Ou alors vous êtes un pâle type qui cocufie sa femme en laissant sa gamine de deux ans derrière lui et je suis le nouveau taulier qui n’apprécie pas votre façon de faire. "

" C’est une menace ? Tu n'en as pas assez fait, peut-être ? " Me demande-t-il sans même lever les yeux de son gobelet, sans cesser de sourire. Même dans les situations les plus tendues, je lui ai toujours vu ce pâle sourire, cette espèce de masque permanent… A l'époque où il était encore à la maison, il m'appréciait sans que ce soit réciproque, puisque j'occupais sa fille. Il m'appréciait surtout jusqu'à ce que je sois forcé de balancer ses aventures extraconjugales à mon père, qui a modérément apprécié de voir sa sœur "déshonorée".

Et mon père - ayant à mon instar le sens de la demi-mesure - a juré que plus jamais Fusakage ne trouverait la moindre porte ouverte au Japon (il avait le sens de la formule, par contre).

Bizarrement, ma côte a baissé depuis cet "incident", qui a purement et simplement rayé le père de Shinkin de l'existence du clan. Mais s'il espère me faire culpabiliser, il se colle le doigt dans l'œil assez profond pour se toucher un hémisphère.

" On appelle ça se faire engueuler, un truc dont vous n’avez pas l’habitude. Pour ce qui est des menaces, j’aimerais ne pas y venir, d'autant que je ne suis pas là pour ça."

Famélique et sûrement affaibli par le froid, mais encore vif. Il se lève et se place devant moi, me toisant de ses cinq centimètres supplémentaires.

"Je suis dans mon droit. Un juge se prononcerait en ma faveur."

"Un juge ? Il a déjà tranché. A votre avis, pourquoi est-ce moi qui vient vous voir plutôt que votre ex-femme ? Ce n'est pas en tant que maître de clan que je le fais mais responsable légal."

Ses yeux s'écarquillent et j'y lis presque nettement que son poing le démange alors qu'il comprend ce que mes paroles impliquent.

"Légal ? Ils n'ont pas…Ce n'est pas toi qui a sa garde ?"

"On va dire ça, oui, pour simplifier. Si vous me collez une châtaigne, je vous préviens que vous aurez sa petite sœur dans la seconde qui vient. Pas sûr que vos dents soient plus solides que les miennes."

Il a déjà esquissé le mouvement…Son visage se contracte et il détourne la tête, les yeux brûlants de rage mais retrouvant son sempiternel sourire. Pour désamorcer les conflits, je suis un chef, que dis-je, un maître. Mais je ne veux pas qu'il ait l'impression que j'ai des remords le concernant.

Il me tourne le dos et va allumer son réchaud, sans me regarder. Dans la lumière diffuse des quelques lampadaires, je ne distingue que ses épaules maigres et pointues. Sa fille sera comme lui je pense, elle me perce déjà les côtes avec ses petits os pointus quand elle dort sur mes genoux. Elle a hérité de son attitude "cause toujours", au passage…A moins que ça ne soit de moi.

"Je ne suis pas là pour vous interdire de voir Shinkin. Quoi que vous en pensiez, je ne m'appelle pas Kaemon et il peut m'arriver de reconsidérer les décisions du clan, à fortiori celles qui n'émanent pas de moi. Vous êtes en danger. Vous savez ce qui arrive aux cloch…aux sans domicile ces derniers jours ?" (Joli rattrapage, le mot malheureux a failli m'échapper).

"Je l'ai vu en une du Yomiuri."

"Vous avez l'air fou de panique, dites-donc. De nous deux, c'est pas moi le maître zen, en définitive."

Il me fixe et rit :

"Alors dis-moi ce que je suis supposé faire. La seule qui s'en soit inquiétée est une petite fille de dix ans que j'ai trouvée ce matin même dans le parc, les pieds trempés après avoir marché dans les flaques en me cherchant. Je ne sais pas ce que la justice attend mais visiblement il n'y a pas d'urgence. Nous nous sommes organisés pour ne pas rester isolés. Tu en sais plus ?"

"On va dire ça…Disons que le mode opératoire m'est désagréablement familier. Mais quelque chose ne colle pas avec mon suspect" Je marmonne. Non, en effet, je n'ai pas fait preuve de beaucoup de zèle quand on m'a fait passer le dossier mais j'avais d'autres inquiétudes en tête. Fusakage s'est emmitouflé dans son anorak, serrant les mains autour de sa tasse. "En tout cas, je ne vous laisse pas ici. J'ai que le sofa à vous proposer mais ça ira, j'imagine ?"

"Oublie ta pitié. Venant des hypocrites, elle est trop proche du mépris. Je n'ai pas besoin d'une main tendue qui comporte un chronomètre. Navré pour tes bons sentiments."

"Quelques minutes de vie en plus, quand on est en train de crever, on regrette de les avoir refusées, Fusakage-san."

Il hausse les épaules et se lève lentement avant d'écarter la toile qui abrite son amas de cartons.

"Tu devrais rentrer au lieu de la laisser seule. Tu critiques facilement mais tu ne fais pas mieux."

"Je bosse, moi, je ne vais pas tremper mon biscuit n'importe où." Je rétorque, mordant. "Quand je vous disais de venir, ce n'était pas une question. Vous croyez que j'ai envie de dire à Shinkin que son père a été tué parce qu'il a brusquement retrouvé la fierté sur laquelle il s'était joyeusement assis il y a quelques années ? Venez, même si l'assassin ne rôde pas dans le coin, vous allez attraper la mort avec cette p...."

Un hurlement nous interrompt. Fusakage en a lâché sa tasse, tressaillant.

"Ca…Ca venait de la sortie Shibuya…"

Merde…Je l'attrape par son anorak.

"Vous me suivez. Pas question que je vous laisse seul."

Cette fois, il ne proteste pas et m'emboîte le pas, peinant un peu à suivre mon rythme alors que je me précipite vers la porte sud du parc. Il y a déjà plusieurs "homeresu" sur place, je les écarte d'une main…L'herbe est tâchée de sang, c'est vraiment pas beau à voir, on croirait qu'il a été attaqué par un animal sauvage, toute une partie manque. Un examen plus poussé me révèle qu'on lui a dévoré le foie – sans être médecin, c'est une partie que je connais bien, celle dont les yôkai sont friands.

"Est-ce que quelqu'un a vu quelque chose ?"

Je me redresse et me tourne vers les SDF. Pas un ne décoche un mot.

"Ho merde à la fin, vous voulez tous finir comme lui ?? Je suis mandaté par le gouvernement, je suis là pour vous aider, je dois faire quoi ? M'introduire dans vos esprits pour trouver la réponse ?"

"Il le fera si nécessaire." Intervient Fusakage. Finalement, un des hommes s'avance.

"J'ai vu une espèce de chien…Mais c'était bizarre, il se tenait sur deux pattes. Quand j'ai crié, il est parti en courant."

Un kyûbi ? Un kitsune ? Je ne vois pas un renard procéder de cette manière…Il aurait traîné le cadavre dans un buisson pour le finir plutôt que de rester en vue. Bon, il va falloir que je procède à la partie la moins appétissante : fouiller le cadavre. Je m'agenouille et serre les dents en le retournant.

"Tu crains toujours autant la vue du sang ?" S'enquiert Fusakage en se plaçant à côté de moi.

"A votre avis ? Ha…"

J'ai les doigts collés, les poches de la veste du pauvre gars sont imbibées de sang. Je les fouille une à une, la nausée se tassant paisiblement au fond de ma gorge en attendant son heure. Finalement, alors que je suis prêt à abandonner, je sens quelque chose de bizarre, comme une aura, près des poignets. Ils ont été partiellement sectionnés mais sur le droit je distingue ce qui ressemble à un tatouage.

"C'était un yakuza ou un marin, quelque chose du genre ?"

"Nobutsu-san ? Non, un ancien vendeur, je crois. Tu as trouvé quelque chose ?"

"Disons quelque chose de bizarre. Hmmm ?"

Je touche un peu le tatouage et sens mon corps se couvrir de chair de poule.

"Définitivement bizarre, oui. Est-ce que quelqu'un ici porte un tatouage ?" Je lance à la ronde. Trois SDF lève la main.

"Faites voir."

Les trois mêmes tatouages…Un signe de sanskrit.

"C'est un salon de tatouage qui a ouvert près de Shibuya. Ils payaient quelques centaines de yens pour qui acceptaient de tester leur nouvelle encre. C'était plus intéressant que de faire du recyclage." Plaide l'un d'eux.

"On vous a collé un mouchard ésotérique, surtout. Le truc qui traîne ici se repère grâce à ça." Je grimace, en tirant de ma sacoche un marqueur et des fuda vierges. "Tendez votre poignet."

Il hésite, jette un regard à Fusakage, lequel hausse légèrement les épaules. Je m'impatiente :

"J'ai une môme de dix ans toute seule à la maison, ce serait trop vous demander de vous bouger le cul ? Ou je vais devoir vous peler la peau à vif pour éviter que vous ne finissiez comme ça ?" Je lui assène en désignant ce qui reste de la dernière victime.

"Il est aussi compétent qu'il n'est pas aimable." Assure Fusakage en croisant les bras tandis que je débouche mon marqueur et que j'applique le fuda sur le poignet du SDF.

"Ca peut faire mal." Je préviens avant d'incanter un sort de dissipation. Il se crispe mais je le retiens, tandis que sa peau rougit sous mon fuda.

"Là. Au suivant."

"Tu penses que ça peut être une mauvaise utilisation du sanskrit ?" S'enquiert le père de Shinkin en me regardant procéder avec les deux autres.

"Ca m'étonnerait, avec l'énergie que ça dégage. Mais je dois savoir quelle créature exactement ça attire pour pouvoir y mettre le holà. Et vous, je vous conseille de faire passer le mot. Demain, j'irai voir ces généreux tatoueurs, j'ai un modèle de mon cru à leur proposer."

Je rempoche mon petit matériel et me tourne vers lui, avant de lui coller mes clés dans la pogne et de lui inscrire l'adresse.

"Vous rentrez à l'appartement. Shinkin dort, ne la réveillez pas. Moi je dois faire le tour des autres sans-abris, je rentrerai sans doute demain matin. Je peux espérer que vous la rassuriez si elle ne me trouve pas à son réveil ?"

Il contemple les clés quelques secondes et hoche lentement la tête.

"Je lui dirai que son "père" travaille ?"

"Je ne suis pas son père mais son oncle. Je ne l'ai jamais entendue vous appeler autrement, en revanche."

Je m'éloigne au pas de course dans le parc cet lui lance un :

"Et quand je rentre je veux le sofa libre, démerdez-vous !"

***

Je suis rentré à l'aube et j'ai dû dormir quatre ou cinq heures avant de me tirer du sofa. Shinkin avait séché les cours, ravie de rester avec "otô-san". Alors que je buvais mon café, je les regarde, tous les deux, elle est sur ses genoux et lui montre ses dernières notes à l'école.

Pourtant, je ne fais aucun commentaire, je finis ma tasse et viens écrire un peu pour le blog…Mine de rien ça m'aide à rassembler mes pensées et mes infos. Un tatoueur suspect, des SDF marqués comme de la viande fraîche et un yôkai canin se tenant sur ses deux pattes…

Dans mon dos, Shinkin rigole.

Bon.

Il faut que je m'y remette. A la semaine prochaine pour la suite – et j'espère la fin – de cette affaire fumante (ici j'ai longuement hésité avec "fumeuse", je ne vous cache pas).

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Source de l'image : ayanami_no03

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