11/03/2012
Depuis un an…Je prie la mer.
Depuis un an, ce sont les mêmes demandes qui affluent pour moi :
"Dites-lui de nous le rendre."
"Dites-lui de nous la rendre."
De Sendai…du Nord, c'est un appel unanime : "Dites à la mer de nous les rendre."
C'est la supplique, puis la colère parce que rien ne se passe.
"Vous ne faites aucun effort."
"Vous n'avez pas prié pour nous."
Comment leur en vouloir ? Sans corps, pas de deuil, pas d'enterrement, pas de paix pour le défunt. J'ai prié, qu'on me croit ou non. Depuis un an, je n'ai pas arrêté, je suis resté des heures face aux vagues. Même si elle n'a sans doute pas de commune mesure avec la leur, j'ai ressenti l'immense détresse de n'être qu'une petite voix face aux grondements des kami.
Pas de réponse. Mes prières se sont perdues dans les vagues et n'ont jamais atteint Sendai, il faut croire.
Aujourd'hui, c'est pire que tout, ma boîte mail est surchargée et je ne réponds pas. J'ai fini par comprendre que c'était inutile. Ils disent que les défunts reviennent, que de sombres processions sont vues sur les côtes la nuit…
"Pourquoi vous ne venez pas ?"
"Pourquoi vous ne faites rien ?"
Vous me voyez leur répondre "Parce que je ne peux rien faire ?". Je sais, ça peut surprendre de me voir faire preuve d'humilité mais ce n'est pas la peine d'être rassurant. Je suis aussi impuissant que n'importe qui.
Je pourrais me rendre dans le Nord, c'est vrai. Ca n'apporterai rien à personne, les prêtres sont là-bas pour prier eux aussi, je n'ai pas envie de redonner de l'espoir alors que ma présence ne serait que symbolique.
Un message plus agressif m'a demandé ce matin comment je pouvais prétendre être démuni alors que je suis "celui qui parle aux démons."
Parce qu'encore plus que les humains, s'ils refusent d'écouter, je ne peux pas les y obliger.