Une gueule de bois latente
Tiens la fin de l'année approche et je recommence à faire des cauchemars. Ils sont très fluctuants, mes cauchemars, j'ai mes périodes. Mais celui-là est différent, récurrent. Très réel surtout. Je tombe. Ho, c'est banal, qui n'a pas fait ce genre de rêve où il bascule dans un puits sans fond ? Sauf que le mien a bien un fond et que le contact me fait hurler de douleur. Je me mords la langue pour l'étouffer. Quelques mètres au-dessus de mon visage, Hana et Kanata m'appellent, angoissés. Hana pleure, crie, se redresse. Oni-chan ! J'ai les tempes qui bourdonnent mais ça va. C'était une petite crevasse...ma jambe me fait un peu mal, j'ai dû me tordre un truc. Rien de grave, je ne comprends même pas pourquoi ma sœur et mon frère paniquent comme ça. Mais en tournant la tête je le vois. Normal qu'il soit là, c'est en le suivant que je suis tombé comme un imbécile. Enfin, comme un imbécile de huit ans qui a voulu relever un défi lancé par son frère. Il approche et je ne peux pas bouger, totalement tétanisé. Et je hurle à nouveau alors qu'il plonge sa gueule dans mon cou. A huit ans, on ne se dit pas "je vais mourir", on ne ressent que la douleur de la morsure. C'est mieux, remarquez, ça évite de se résigner. ONI-CHAN !!!!! Elle l'a vu. Je frappe le kyûbi de mon bras valide. Il ne doit rien sentir mais peu importe, l'adrénaline me brûle les muscles et me fait sauter le cœur par à-coup. Et je me réveille en nage, l'épaule vibrante de douleur... Emerger juste après un cauchemar m'a toujours donné la sensation d'une gueule de bois latente : je ne sais plus où je suis, j'ai mal partout et l'irrépressible envie de crier ma trouille et mon mal-être. Mon corps a quelque chose d'étouffant, comme un carcan gluant et inconfortable. Ça ne dure qu'un quart de seconde mais c'est de celles que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi. Je sens que je vais carburer au café-aspirine jusqu'au nouvel an. On the rocks.
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Source de l'image : ocigam