top of page

Un 30 tonnes spirituel

Je relisais quelques post au hasard, récemment. Et je constatais que je donnais vraiment une image de jeanfoutre (aïe), grossier (aïe aïe), asocial, qui n'aime pas les enfants, mange le Nutella à la cuiller, lave son appartement quand les carreaux ont changé de couleur et n'hésite pas à taper sur une gamine. Bref, c'est pas très reluisant, pour un maître onmyôji, leader spirituel d'un clan vieux de plusieurs siècles. Je dirais même que ça ferait un excellent argument aux connards qui parlent de la dégénérescence du Japon. Donc, histoire de remonter le niveau, le post de cette semaine sera éducatif. Mon langage de crevard n'incite pas à s'en rappeler mais j'ai quand même dix ans de formation spirituelle derrière moi, ce qui implique que je sais faire autre chose que jurer, râler en ligne et dormir au lieu d'aller bosser. Aujourd'hui je parlerai du Sakanagi. Et pour commencer, je reviendrai sur la notion de karma. Pour faire bref, je dirais que le karma est le "casier spirituel" de chacun. La moindre connerie y est inscrite et comme son petit frère soumis à la justice des hommes, les actes ont un degré de gravité. Le fait de loucher honteusement sur le décolleté de votre collègue ne vous condamnera pas à une éternité douloureuse, en revanche, vous amuser à découper le décolleté susnommé au couteau de boucher risque d'être un tantinet plus problématique. Quand vous passez l'arme à gauche - à condition que cela soit sans violence, ce qui ferait de vous un revenant et m'obligerait à venir vous chercher par la peau des fesses - votre casier spirituel est examiné pour votre prochaine réincarnation. Je vais me risquer à une comparaison : la réincarnation est une cousine éloignée du jeu vidéo. A la fin du niveau, en fonction de votre score, ou vous passez au niveau suivant, ou vous vous retapez le niveau actuel ou vous avez été un fieffé connard et on vous rétrograde au niveau précédent. Dans cet ordre d'idée, par exemple, je verrais assez bien ma tante en amibe dans sa prochaine vie. Dans les actes qui marquent négativement votre karma, outre le viol, le meurtre, la barbarie, le vol, il y a tout ce qui est ésotérique. Lancer un sort n'est jamais anodin - surtout si ce sort est destiné à faire fondre les organes internes d'un tiers - et il faut savoir qu'il existe un contrecoup à ce sort : le Sakanagi. Envoyez un trente tonnes spirituel dans la gueule de votre voisin, le trente tonnes percutera ledit voisin, lui roulera dessus une fois ou deux et reviendra pour faire de même avec vous. Soit vous êtes résistant et votre karma sera le seul à être endommagé, soit vous êtes un citoyen lambda et le légiste chargé de votre autopsie passera avec vous une très mauvaise journée. Pour illustrer mon propos, j'ai eu à participer à une enquête au sujet d'une étudiante qui avait utilisé à tort et à travers des sorts plus ou moins erronés pour réussir ses examens. Elle s'en est relativement bien sortie : elle passera le reste de ses jours dans un fauteuil roulant avec une jambe en moins. Si je ne l'avais pas arrêtée et encaissé une partie du choc, c'est sa tête qui aurait explosé à la place de sa hanche. Dans la pratique, le Sakanagi est un peu comme une accumulation : lorsque ça "éclate", les effets sont généralement assez peu appétissants, comme expliqué précédemment, en plus de s'inscrire durablement dans le karma de l'imbécile qui a joué à l'apprenti magicien sans réfléchir. Imbécile dont je dois m'occuper avant qu'il ne soit trop tard, si toutefois lui ou son entourage réalise qu'il y a un problème. Généralement, le Sakanagi se manifeste par des hallucinations, des maux de ventre, de tête...les médecins disent "tumeur" ou "schizophrénie" et on retrouve leurs patients proprement ouverts en deux dans leur chambre. Et naturellement, le dossier termine chez moi. J'ai même un mot spécifique pour ce genre de cas, que je griffonne sur la première page et que les pontes du gouvernement semble traduire par "quand on y connaît rien en magie, on est priés de toucher à son cul". C'est bien joli de jouer les moralisateurs, me direz-vous mais les pros font comment, eux ? Quand on a un tant soit peu de cervelle et qu'on ne souhaite pas qu'elle termine sa courte existence sur le parquet du salon, on développe différentes techniques pour parer le Sakanagi. Inutile de vous émerveiller, ça consiste globalement à trouver quelque chose ou quelqu'un pour l'encaisser à votre place. Tous les onmyôji ne sont pas des humanistes, loin s'en faut. Pour ma part j'en absorbe une partie - mon karma est suffisamment évolué pour limiter les dégâts - et dévie ce qui reste. Ce qui explique par exemple qu'il n'y ait plus une seule plante verte dans tout le bâtiment ou que mon voisin (un homme que j'ai en haute estime, souvenez-vous) souffre de fièvres occasionnelles. L'avantage de ne pas être pris au sérieux c'est que personne ne pense jamais à vous accuser. Un aspect qui a ses avantages, je me vois mal expliquer aux propriétaires qu'une vague de vitres brisées est à prévoir parce que je travaille sur un gros dossier. Pour le mot de la fin, je dirai donc : trichez aux examens, mentez à votre moitié sur votre fidélité, volez les sucettes des gamins dans la rue, crevez les ballons dans les parcs d'attraction, lardez votre supérieur de coups de couteaux, braquez une banque au lance-flamme ou démolissez les vitres de votre voisin si ça vous amuse. Mais n'achetez pas de bouquins de magie. Ça pourrira tout de même votre karma mais ça évitera que votre dossier - photos couleurs comprises - échoue dans ma boîte aux lettres. Je vous en remercie d'avance et vous souhaite une agréable semaine.

_____________________________________

Source de l'image : jaako

Mots-clés :

Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
Retrouvez-nous
  • Facebook Basic Square
bottom of page