Baby on board - 1
C’est la saison, c’est pas possible, c’est le bordel en ce moment. Mais j’avoue, la dernière est pas mal. Ceux qui me lisent régulièrement savent que j’ai une relation assez chaotique avec ma couette et mes heures de sommeil, à cause de mon boulot. Fatalement, cela me rend légèrement susceptible au réveil et me pousse assez fréquemment à exprimer au téléphone ou sur mon palier une opinion très franche aux gens qui me réveillent (essentiellement : “Si c’est pour m’emmerder et vous faire jeter, continuez comme ça, vous êtes sur la bonne voie.” ou éventuellement “Désolé, je ne suis pas disponible, je suis actuellement décédé. Veuillez faire suivre les lettres de condoléances à l’adresse habituelle”). Déjà, depuis que Shinkin vit chez moi, elle dort tout le temps dans mon lit (je rappelle que j’ai déménagé pour qu’elle ait sa chambre), je me réveille donc tous les matins avec un peu plus de 40 kilos de viande en pyjama rose sur le ventre, qui me colle ses cheveux dans la figure et se cramponne à moi en geignant qu’elle veut dormir encore un peu quand j’essaie de la virer. Ben ce matin, je n’ai pas eu ce problème : avec le bordel sur le palier, nous nous sommes réveillés en même temps. J’attrape mes fuda et intime à ma cousine de faire pareil en restant derrière moi. Derrière la porte, ça grogne, ça gratte et ça...hurle. Mes nouveaux voisins vont m’adorer. Serrant mon mala dans le poing, je déverrouille lentement la porte et l’ouvre brusquement, avant d’être arrêté par un obstacle, dans un “bong” sonore suivi de nouveaux hurlements. Ho mais la vache, c’est quoi qui coince, le chanteur des Dir en Grey ?? Presque : un petit kitsune, sous sa forme animale. “Ho, il est mignon !!!” Shinkin, la notion de sécurité et de prudence, autant dire qu’elle se les met toutes les deux en pendentif : ça doit être son gène de fille, dès qu’elle voit un truc quadrupède, petit et poilu, elle se met à gazouiller. Même quand le quadrupède a plus de deux yeux et des dents qui lui font le tour du museau. “Hep, hep, hep !!! Ne l’approche pas !” Je grogne en la chopant au vol alors qu’elle s’apprête à prendre le bébé kitsune aux bras. Ce dernier grogne encore et s’ébroue avant d’achever le paillasson à coups de dents. Mais comment c’est arrivé là ce truc ? “On peut le garder ?” Supplie Shinkin, à qui je jette un regard las. “J’hésite, j’ai pensé que des piranhas dans la baignoire ce serait pas mal non plus. Va me chercher ma dague de cérémonie.” “Je veux pas que tu le tue !!” “Mais je vais pas le tuer, nom de di...de nom, je veux juste pouvoir le dégrafer du paillasson - ou ce qu’il en reste- sans qu’il me bouffe le bras !” Je jette un regard circulaire sur le palier mais il n’y a personne...Pourtant ce bébé n’est pas arrivé là tout seul, il a même une couverture avec lui. Shinkin me tend ma dague et je la glisse sous le ventre du yôkai, qui gronde et se referme brutalement dessus, toutes dents dehors. “Tu le trouves toujours mignon ? Va me dégager le sol, dépêche, je vais l’enfermer !” Elle rentre et shoote dans son cartable avant de repousser les chaises pour me libérer de l’espace au sol, puis d’attraper ses crayons de couleur pour tracer les signes sur le carrelage, s’appliquant sur chaque caractère. Elle joint ensuite les mains. “Om...” Je balance dague et kitsune en plein milieu du cercle avant de me joindre à ses incantations. Elle est encore un peu jeune pour dresser une barrière efficace, je préfère éviter tout accident. Donc maintenant j’ai un cercle d’environ cinquante centimètres de rayon dans lequel est enfermé un bébé kitsune, sans avoir une foutue idée d’où il sort. Shinkin est partie à l’école en me demandant, pleine d’espoir s’il “serait encore là” quand elle rentrerait. J’ai essayé d’appeler Gekkô - s’il y a une mère renard qui a perdu sa progéniture il a les moyens de le savoir mais il m’a raccroché au nez. Il me fait toujours la gueule, super...Et pendant ce temps, l’autre saloperie donne des coups de boule répétés contre la barrière qui l’emprisonne en grognant et en se grattant. Et je m’interroge sur la manière dont je vais bien pouvoir le promener dehors pour le ramener à sa petite famille morte d’inquiétude (ou de rire en sachant que je me le coltine). Vu ce qu’il a fait avec le manche de la dague, je n’ose pas imaginer un panier. Le seul point positif c’est qu’il a l’air de m’apprécier, j’ai réussi à récupérer ma dague et j’ai toujours dix doigts.
A suivre… NDA : La remarque sur le gène féminin, parfaitement sexiste, est assumée. Vous savez où me joindre pour les insultes, mesdames, mesdemoiselles.
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Source de l'image : dagoaty