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Doigts de fée

Vu mes derniers post, ça va paraître gonflé de dire ça mais non, ma vie n’est pas faite que de quêtes épiques, mon quotidien ce n’est pas que de l’adrénaline, du sang (et d’autres fluides moins glorieux, que je retrouve généralement incrustés dans mon blouson ou mon tee-shirt. Quand le yôkai a une bouche on peut encore identifier, mais dans le cas contraire...) : si je pouvais réellement résumer ma vie en une page hebdomadaire, on me rangerait dans un placard. Suite aux derniers quinze jours, qui n’ont pas été franchement marrants (j’aurais des nouvelles du juge sous peu, le brave homme semble très soucieux de ma santé, mais j’ai promis de lui envoyer une carte si je me tirais aux Caraïbes. L’idée n’a pas paru lui plaire.), le post de cette semaine sera plus léger. Le sous-titre de ce blog évoque quand même des “jours ordinaires”, en voici donc un sans morts, sans hémoglobine, juste ce qu’il faut de misanthropie de circonstance. *** “Vous croyez vraiment qu’on a besoin de ça ?” Qu’est-ce qui est pire que d’être coincé dans une salle d’attente de kiné avec un réac’ qui explique en détails pourquoi il faudrait foutre les coréens, les chinois et les occidentaux à la mer avec du béton autour ? Réponse : être coincé tout court en l’écoutant. J’ai fait un faux mouvement: deux de mes vertèbres ont entamé ensemble une partie de Kâma-Sûtra sans mon consentement et je me tiens comme un petit vieux depuis ce matin. Nous sommes trois dans la salle d’attente : l’amateur de la diversité culturelle et une ado de seize-dix-sept ans qui, le bras en écharpe, lorgne vers la porte d’un air désespéré. Quand la kiné l’a appelée, elle s’est littéralement ruée vers le cabinet, nous laissant en tête-à-tête entre hommes...Du moins c’est ce que l’autre a semblé trouver “mieux” : “Ha, j’osais pas trop en dire devant la jeune fille.” Je lui aurais bien répliqué que j’étais une jeune fille souffrant de forts problèmes hormonaux mais mon infaillible intuition me disait qu’il y avait des limites quand on prenait les gens pour des cons. “Avec les problèmes de surpopulation, nous n’avons pas besoin des rebuts des autres pays ! Les coréens nous envahissent, vous avez vu à la télé ?” J’ai pas la télé ducon et tu ne m’incites pas à le regretter. “Notre pays n’a besoin de personne !” C’est l’apocalypse dans ma colonne vertébrale...J’envisage les différentes possibilités qui s’offrent à moi : Sauter par la fenêtre en priant pour que la chute me remette les os dans le bon ordre ? Lui défoncer le crâne avec une chaise en lui expliquant mon rapport privilégié au silence ? Sortir (à quatre pattes vu mon état) pour trouver un autre kiné ? L’énucléer avec un shiki ? Alors que mes nerfs me dirigent dangereusement vers la dernière option, un cri, sortant du cabinet, lui rabat momentanément le caquet, nous échangeons même un regard vaguement inquiet. Ma kiné est une femme calme, qui aime prendre son temps et se ferait hara-kiri avec une paire de béquilles plutôt que de risquer de faire mal. C’est quand elle est venue me chercher avec un “Suivant ! Kondo !” et que je l’ai vue que je me suis souvenu de notre dernière conversation : ma kiné devait quitter Tokyo. C’était il y a bien quatre mois. Et sa remplaçante était une vigoureuse... ...Oni. Deux paires de bras épais comme mes cuisses (je ne suis pas gros mais quand même), des cornes massives, des épaules qui passaient à peine l’encadrement de la porte... Finalement, j’allais peut-être me rabattre sur le saut par la fenêtre, laquelle semble déjà largement badée par mon colocataire de salle d’attente (et encore, lui il ne voit qu’une femme grande et tanquée comme une boxeuse, il n’a pas la combo cornes-seconde paire de bras). Elle me dédie un grand sourire : “On s’est coincé ?” “Non, ma dernière soirée fétichiste s’est mal passée, on a eu du monde.” Je grogne en claudiquant jusqu’au cabinet. Quand elle referme la porte, j’ai l’impression de voir clignoter le mot “traquenard” au plafond. Elle me désigne la table : “Asseyez-vous là-dessus, on va voir ça.” “Hem...Vous pratiquez depuis longtemps ?” Elle rigole : “Vous inquiétez pas, Kondo-san, j’ai des doigts de fée.” Des doigts de fées ouais, greffés sur des avant-bras de déménageur poids lourd, c’est CA qui m’inquiète. Ôtant mon pull et mon jean, je m'assois sur la table comme je le ferais sur un étal de braises. Elle me palpe un peu et arrive au point névralgique de la douleur obtenant un son entre le grognement et le juron. “Ha ha. Je le tiens. Bon, c’est rien du tout, vous avez juste pris une mauvaise position. Vous ne dormiriez pas n’importe comment, par hasard ?” “Ça dépend, la tête sur le bureau, c’est combien sur l’échelle du n’importe comment ? Hé !” Elle a passé les bras sous les miens, avant de faire pression sur mon cou de sa première paire de main, pendant que la seconde m’immobilise le bassin. “Non mais vous faites quoi là ?? D’habitude un massage...” “Vous n’êtes pas en thalasso, Kondo, vous êtes venus pour que je vous décoince. Inspirez un grand coup...” Le truc du “inspirez un grand coup” chez le médecin quand il s’apprête à vous charcuter m’a toujours rendu perplexe. J’ai compris ce matin que c’était afin que personne ne vous entende hurler à la mort. Ce qui est à peu près ce que j’ai fait quand elle a pressé un coup sec sur ma nuque, dans un crac sonore. “Voilààà. Comme neuf. Vous devriez changer votre bureau contre un futon, Kondo, vous courrez à la scoliose.” “Quand j’aurais fini d’investir dans une chaise roulante, promis.” Je grince en désincrustant mes ongles de la table. “Cessez de pleurnicher, vous aviez juste une vertèbre bloquée, qu’est-ce ce sera le jour où vous aurez un lumbago !” “Et ce sera quoi sans indiscrétion, ce jour-là ?” Je réussis à me lever...Et je dois avouer que si on excepte le traumatisme qu’elle vient de m’infliger, j’arrive à me redresser et même à bouger les épaules. Miss Oni est retournée s’asseoir à son bureau et me gribouille une ordonnance, avant de relever les yeux et de me sourire, dévoilant de grandes dents jaunes et effilées. “Voie anale.” “Je vais racheter un futon.” “C’est ce que je me suis dit, voilà pour une petite huile de massage, histoire que vous ne vous pointiez pas la prochaine fois que vous aurez tenté la contorsion pendant votre sommeil. Ha autre chose : vous cherchez toujours une baby-sitter ?” “Heu...Oui mais comment...” “J’ai lu votre blog. Vous êtes un petit comique, mais alors pour les mômes, c’est comme pour les kyûbi, vous ne savez pas faire. Elle a besoin de poigne votre cousine.” “Pas de la vôtre en tout cas, c’est pas en la rendant paraplégique qu’elle vous écoutera davantage.” “Vous m’avez bien écouté, vous.” Ça fait combien de points qu’elle marque là ? J’ai perdu le compte... “Mais ce n’est pas moi qui vous la garderais- je dois m’occuper des gringalets comme vous qui ont les os en buvard. Non, c’est ma sœur, elle a l’habitude des mômes pas faciles.” A cet instant ma diplomatie/lâcheté a mué le “Le gringalet t’emmerde, pétasse” en “Vous voulez mon numéro” ? C’était vraiment pas la peine de venir me faire remettre les os d’aplomb si elle me les casse derrière. Et comme une bonne anecdote ne le serait pas sans la cerise sur le gâteau : lorsque je suis sorti du cabinet, la kiné-oni appelait l’autre réac, toujours occupé à hurler dans la salle d’attente, et lui a demandé ce qu’il avait, j’ai entendu plus précisément “lumbago”. Profite bien de ton toucher rectal mon lapin. Il sera 100% nippon.

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Petite parenthèse pour signaler que deux nouveaux fanart ont été ajoutés à la page "Fanart" (notez à quel point le nom des sections de ce blog révèlent l'esprit d'à propos du webmaster...)

Par Foxymoon (Haaaaa, mon fantasme)

Avec le petit mot suivant

" Je vous présente toutes mes condoléances pour votre infortunée amie (même en tant que Kitsune, je sais apporter une certaine valeur aux êtres humains, surtout lorsqu'ils ont votre affection). Au plaisir de vous rencontrer un jour, Mugetsu."

Par DarkDojy (qui s'est excusée de ne pas savoir écrire une incantation. Je trouve qu'elle a à peu près cerné mon parler "imagé" ceci dit)

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Source de l'image : curiousexpeditions

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