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Comment ça marche : l'heure du bœuf

Vous l'avez peut-être remarqué, récemment les post sont plus longs mais aussi souvent retardés, repoussés : rien que cette semaine, je me retrouve à en écrire un second puisque la semaine dernière je n'étais vraiment pas dispo. Du coup, le webmaster m'a soufflé une idée pour limiter ce genre de désagrément : alterner de temps en temps avec des post courts, les "Comment ça marche", de petites explications sur certains yôkai, fantômes ou superstition de mon beau pays de dingues.

Et je débuterai avec une spécialité locale : l'heure du bœuf.

Non, je ne parle pas de bouffe, vous vous êtes cru sur marmiton.org, à la page des sushi chinois et des california au Nutella ?

Au Japon, les heures sont découpées en fonction du zodiaque chinois (dragon, cochon, singe…).

L'heure du bœuf, entre une et trois heures du matin correspond à l'apparition de monstres, démons, fantômes, esprits, j'en passe et des meilleures, où leur puissance est décuplée. Lorsque je dois mener un exorcisme dans cette tranche horaire précise, inutile de dire que je fais VRAIMENT la gueule mais j'ai un avantage sur les autres professions, comme les moines.

En effet, pour ceux qui ne le savent pas, ma famille descendrait de l'onmyôji Abe no Seimei, connu pour être un fils de renarde (dans vos latitudes, on traite les génitrices de péripatéticiennes, chez nous on les traite de goupils. Notez que ça veut dire sensiblement la même chose.) Comme on ne change pas une équipe qui gagne, il est probable que quelques-uns de mes ascendants aient également jeté leur dévolu sur de charmantes demoiselles aux oreilles pointues.

Etant un "bâtard de renard" comme cela m'est plaisamment rappelé quand je tombe sur un yôkai acariâtre, je gagne donc moi aussi un petit bonus à l'heure du bœuf. Un bonze se fait plus facilement répandre sur les murs qu'un onmyôji lors d'une urgence dans ce genre de cas, ce qui est une source de fierté inextinguible au sein de mon clan. Personnellement, je ne tire aucune satisfaction de savoir que je suis plus corvéable que les ascètes qui méditent en haut de leurs montagnes et descendent voir la civilisation une fois l'an. Ils ont pas un appart, une gamine et des factures à gérer eux, ils s'en foutent de se faire tirer du lit à deux heures du matin parce que des fantômes font du tapage nocturne.

Et puis objectivement, savoir que j'ai "du chien" (enfin du renard, dans ce cas précis) ne me fait pas bondir de joie non plus : parce que plus salope qu'un kitsune, il n'y a guère que les vendeurs itinérants et les hommes politiques qui tiennent la comparaison.

Bref, que se passe-t-il exactement à l'heure du bœuf ?

Les esprits, yôkai et toute créature surnaturelle, de l'esprit chat au tabouret de plus de cent ans envahissent les rues des villes, plus facilement des petits villages excentrés que des métropoles : carrefours, rivières, ponts, tout y passe, sauf les humains. Et si un promeneur a le malheur de déambuler par-là, il finit en fait divers de tabloïd ou maudit dans le meilleur des cas. On m'amène de temps à autre des types ou des nanas tout raides, couverts d'inscriptions maudites, que je dois exorciser des cheveux aux orteils. Mais au moins quand je leur dis qu'il faut rentrer chez soi avant une heure du matin, je suis certain d'être écouté. Généralement, se faire maudire par un porte-manteau qui passait sur le même trottoir que vous est une leçon de vie.

Si quelqu'un a un quelconque sort dégueulasse à lancer, c'est également le moment le plus propice pour un maximum d'efficacité : vous souhaitez que votre patron chope la crève ? Il finira aux urgences avec une pneumonie ou un anthrax si vous êtes vraiment bon. Vous voulez qu'une fille rompe avec son petit ami ? Elle le foutra à la porte, potentiellement avec le couteau de cuisine planté entre les omoplates.

Et je ne dis absolument pas ça parce que ça alertera immanquablement l'onmyôji du coin qui viendra vous demander des explications, bien sûr.

Pour moi l'heure du bœuf, c'est l'équivalent des sorties d'école : je fais la circulation et m'assure que personne ne se chicane, deux oni qui se mettent sur la gueule foutant légèrement plus de bordel que deux lycéennes (Quoi que…). Et je vous passe les yôkai bourrés qu'il faut sortir des bars et des boîtes de nuit où ils terrifient la clientèle, les ponts ou passages cloutés que ces crétins piègent parce qu'ils se font chier dans les grandes villes, etc, etc…Epuisants comme des sales mômes mais légèrement plus dangereux, dans la mesure où chez eux jouer consiste souvent à retirer un organe aux humains. C'est pas toutes les nuits comme ça non plus et lorsque ça se limite à des incidents isolés je n'interviens pas mais j'y ai quand même droit au moins une fois par semaine.

En un mot, l'heure du bœuf c'est le bordel absolu et braves gens vous avez du bol de dormir à cette heure-ci. Qui plus est, du fait des forces en présence, je suis moi-même nerveux et dans un état légèrement euphorique, ce qui rend le boulot encore plus pénible. Comment voulez-vous sortir deux kappa ivres morts d'un club quand vous avez envie d'aller vous torcher avec eux ? Et NON, je ne l'ai jamais fait. Je sais que depuis quelques post j'ai acquis une réputation d'alcolo mais je ne me beurre pas quand je suis en service, j'ai une déontologie…Même si je ne sais plus ce que j'en ai fait.

Alors que faire si par malheur, absorbé par une partie de curling tardive ou beurré au point de rouler des pelles à une bouche d'égout vous vous retrouvez dehors à l'heure du bœuf et qu'une troupe de yôkai vient en sens inverse ?

-Pleurer. Il n'y a que ça à faire.

-Crier. Ha non, vous pouvez faire ça également.

-Courir. Si vous êtes bourré comme une vache, essayez donc sur les mains, à défaut d'autre chose ça fera marrer les yôkai.

-Appeler votre onmyôji de quartier…Enfin de préfecture plutôt, vu le nombre qu'il en reste sur le territoire nippon.

-Proposer aux yôkai d'aller finir la soirée dans un bar. Je déconne pas, ça peut marcher. Par contre il faudra payer votre tournée et un yôkai, croyez-moi, ce que ça descend vous aimeriez pas le remonter à vélo.

-Vomir vos tripes (CF votre état d'ébriété), ça fera ça de moins que les yôkai auront à vous sortir, ils apprécieront le geste.

-Remercier Bouddha d'avoir acheté un sûtra de purification à votre onmyôji préféré avant de sortir de votre petit nid. Faut pas être rat. Surtout que vous le payerez vachement moins cher qu'un exorcisme…

Et cela m'amène au dernier point caractéristique de l'heure du bœuf : faire appel à un professionnel durant ces deux heures c'est le tarif "ushi"…La peau des fesses, quoi. Autant laisser un kitsune vous la tanner, ça fait moins mal qu'une facture, non ?

A une prochaine fois pour un autre "comment ça marche" et n'oubliez pas : sortez couverts (ou venez pas me pleurer dans les étagères ensuite).

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Source de l'image : 33909700@N02

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