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Comment ça marche : les onmyôji

Quel à propos, n'est-ce pas ? Ce blog parle du quotidien d'un onmyôji…et pour le "comment ça marche" d'aujourd'hui, je propose de vous expliquer…hé bien les onmyôji.

Ce n'est pas gratuit d'ailleurs, j'ai reçu un mail de quelqu'un qui voulait devenir onmyôji et me demandait "comment on faisait", j'ai donc pensé qu'une mise au point s'imposait.

Déjà, si vous avez dépassé le stade de faire des bulles, de jouer à vous attraper les pieds et de vous imaginer que le pot reste l'endroit le plus classe de la planète sans qu'il ne se passe rien d'étrange dans votre vie, laissez tomber. Moi, à l'âge où je faisais les bulles susdites, je jouais à attraper les cheveux de la dame-qui-flottait-au-dessus-de-mon-lit. Donc, si c'a été votre cas – et qu'on ne vous a pas interné – ben c'est très simple, vendez un rein, prenez l'avion et pointez-vous à Tokyo, on verra ce qu'on peut faire de vous.

Je plaisante bien sûr, au-delà d'un certain âge, impossible d'être vraiment formé, c'est une voie que l'on prend aux alentours des quatre-cinq ans, dix-onze à l'extrême limite si le maître est pas trop regardant sur la fraîcheur de l'élève. Shinkin a commencé à trois ans et a dit ses premiers mots en sanskrit, mes deux autres élèves étaient plus vieux et sont moins alertes qu'elle, normal, ils ont du retard.

Il existe trois "spécialisations" en onmyôjitsu, c'est comme les pokemon, on n'a pas tous les mêmes capacités (mais nous n'avons pas de grands yeux brillants ni la fourrure douce. Et nous ne changeons pas de forme en évoluant non plus. Mais on a des noms moins cons. Le premier qui tente un parallèle entre moi et un pokémon au nom de fluide nasal va avoir mal).

- La divination

Il s'agissait de la première fonction des onmyôji à la cour, lire l'avenir : nous sommes supposés avoir compris les mécanismes qui régissent l'univers et les observer pour faire des prédictions. Ayane, mon élève cadette est balaise pour ça, il lui est déjà arrivé de m'appeler pour m'annoncer que j'allais me casser quelque chose, que Shinkin allait se faire virer de cours ou que Gekkô s'apprêtait à bouffer sa prochaine employée. TRES balaise, elle a onze ans, une fois adulte, elle aura quasiment une journée d'avance sur tout le monde.

De mon côté, c'est probablement le domaine dans lequel je suis le plus nul : j'ai un certain don de préscience qui me permet d'anticiper un coup en plein combat mais sinon à part prédire le temps qu'il fait(et encore, vous aurez plus de chance avec la météo)…Bref je ne m'amuse pas à ça, les mécanismes de l'univers sont un peu trop compliqués pour moi. Doué comme je suis, je risquerais de casser un truc dedans.

En application quotidienne, c'est très pratique pour la météo, donc, mais aussi pour déserter l'appartement en cas de visite indésirable.

- L'invocation

Au cours de mes différentes interventions vous m'avez vu invoquer des shiki – et donner un cours en la matière. L'onmyôji doit être capable – avec plus ou moins de talent – de faire appel à des créatures qui sont des extensions de lui-même, un exercice particulièrement délicat.

C'est en effet celui qui a le plus de chance de vous revenir dans la poire : "sortir" une partie de son esprit, s'il est agité ou en proie à des luttes intérieures, peut faire très mal. On a bataillé comme ça contre une invocation de Shinkin qui s'était retournée contre elle, une fois. Motif : une poussée d'eczéma au coin de la bouche qui avait été son Pearl Harbor cutané et résultat, un shiki qui s'en est pris à son propre invoqueur. C'est un peu le concept de l'auto-flagellation/mutilation magnifiée par l'art ésotérique. Me faire rectifier le faciès par mon propre esprit serviteur me ferait quand même chier et donnerait le coup de grâce à ma réputation, déjà en train d'agoniser tripes à l'air dans le caniveau. Donc, je suis prudent avec ça.

Dans ce domaine c'est mon élève le plus vieux, Testuo, qui excelle. Ce morveux me rattrapera d'ici quelques années, sans compter qu'il bosse comme un dingue. Fort heureusement, il est trop servile pour me prendre de haut et heureusement, pour les vexations je reste le plus efficace.

En utilisation quotidienne, ça a sa petite utilité pour se ménager un peu de place dans un bus ou un métro bondé. Faites courir quelques souris-shiki dans les chevilles des gens, c'est dingue le gain de place que ça permet.

- L'illusion

Disparaître, modifier son apparence, créer des hallucinations…Dis comme ça, on pourrait croire qu'il s'agit d'un pouvoir démentiel mais vu la concentration nécessaire, on l'utilise rarement dans le feu de l'action. C'est compliqué de demander à un yôkai furieux d'arrêter de taper le temps d'incanter.

Ce qui fait son charme c'est qu'il est considéré comme un pouvoir lié aux renards, basé sur la tromperie et le mensonge. Un pouvoir d'enfoiré, si on veut.

Naturellement, c'est celui que je maîtrise le mieux, tout comme ma cousine, tout comme mon père, tout comme mon grand-père. Les chiens ne font pas des chats.

Enfin des renards, dans ce cas précis.

Le principal intérêt dans la vie de tous les jours, ce sont les réunions, pour dormir sans se faire griller. Par contre je n'ai encore rien trouvé pour masquer d'éventuels ronflements.

Pour conclure, je vais revenir sur une subtilité qui pose problème à pas mal de monde : la différence entre un moine et un onmyôji.

- Le moine est un religieux. L'onmyôji est un magicien.

- Le moine veut devenir un Bouddha. L'onmyôji veut que le monde tourne rond.

- Le moine est du côté de celui qui recherche l'illumination. L'onmyôji est du côté de celui qui a le meilleur portefeuille.

- Le moine éradique les ténèbres. L'onmyôji aussi, surtout celles dont le moine ne veut pas s'occuper.

- Le moine doit avoir une vie droite et austère. L'onmyôji peut boire, fumer, s'envoyer en l'air tant qu'il est là pour l'exorcisme de 7h08 le lendemain.

- Le moine est assuré d'atteindre le paradis à sa mort, loin des voies de la réincarnation. L'onmyôji aussi mais avec un dessous de table.

- Un moine ne fréquentera jamais un yôkai. Un onmyôji va en avoir en voisin de palier.

Il y a cependant une chose qui est commune au moine et à l'onmyôji : ils sont chacun convaincu d'être bien plus utile que l'autre. Loin de moi, cette idée pourtant…

Juste qu'un chauve qui a passé six mois en haut de sa montagne en combat singulier contre un yôkai, moi, ça me fait doucement rigoler.

Bref être onmyôji, ça n'est pas un choix, ni une décision : c'est un état. Quand on entend le bruit que fait le monde des morts et le monde des démons, on peut difficilement vivre en se bouchant perpétuellement les oreilles. Et comme tout savoir-faire, on ne le met pas au service des autres gratuitement, ce qui explique notre réputation légèrement sulfureuse. Mon clan n'est pas en reste, d'ailleurs, nous avons quelques archives de procès pour extorsion de fond qui datent de l'époque de mon grand-père, une anecdote dont personne ne se vante, curieusement. Aussi, lorsqu'il avait été question de faire inscrire une petite phrase percutante sur ma carte de visite, j'avais proposé "Y'a pas de petit profits".

Refusé.

Pour une fois, ça aurait été honnête pourtant.

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Source de l'image : 28919802@N04

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