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Intérim

J’aurais aimé vous raconter un truc fun, cette semaine : pourquoi je me suis retrouvé privé d’internet pendant une semaine (une sombre histoire de mange-crasse ayant trouvé le câble téléphonique fort poussiéreux), comment j’ai paumé ma carte bleue (dans un endroit où j’irais certainement pas la chercher, même sous la menace de mon banquier, à moins de me reconvertir en proctologie) ou la récente embauche d’une tête connue chez Gekkô.

Vraiment, j’aurais aimé.

Shinkin n’est pas rentrée.

Sa baby-sitter s’est pointée à l'appartement - en pliant la porte en deux - alors que je venais de rentrer, en me grognant que je devais prévenir quand je passais prendre la petite au collège pour lui éviter le déplacement et que y’aurait un supplément pour ça.

Sauf que je n’avais pas récupéré la gamine. Et que son portable ne répondait pas.

Le point positif, c’est que je n’ai eu le temps ni de paniquer réellement, ni d’échafauder les pires scénarii dans ma tête, mon téléphone portable m’a apporté la réponse, alors que je l’insultais, faute de pouvoir le faire sur le responsable.

“Kondo ? Satoru Kondo ?”

“Lui-même.”

“Je suis désolé. Pour le désagrément. Mais la petite va bien, ne vous inquiétez pas.”

“Si ce n’est pas le cas, ce sera à vous de vous inquiéter. Vous voulez quoi ?”

Un étranger...Il parle bien japonais mais écorche les “r”. Merci Jun de m’avoir appris tous les petits détails à retenir dans une conversation téléphonique : intonation, bruit de fond...mais pas de chance, tout ce que j’ai, c’est cet accent dur. Le faire parler...Et ne pas m’énerver surtout.

“J’ai besoin de vos services, mais vous vous en doutez.”

“Pour ça, vous pouviez m’appeler sans passer par la case enlèvement, il paraît que je suis un peu la pute ésotérique de ce patelin. Tant qu’on paye, ça me va.”

“Ce n’est pas ce que j’ai entendu et je crois savoir que le meurtre ne fait pas partie de vos attributions.”

“Depuis quelques secondes, c’est le cas. Vous faites appel à un exorciste pour un assassinat ?”

“Je vous envoie ça par email. Vous la connaissez et on m’a dit que vous seriez capable de m’en débarasser. Je vous recontacte pour faire le point. Bonne soirée, Kondo, je fais le nécessaire pour la petite. Je ne vous fais pas les sommations d’usage, je pense que vous y êtes habitué.”

Inspire. Reste calme. La nounou me dévisage, je dois avoir une expression assez indescriptible en fait, le stress me suffoque.

Non, je n’ai pas l’habitude.

Le chantage, c’est pas spécialement habituel dans mon métier, ça non. Ce n’est pas comme si j’avais quoi que ce soit qui puisse intéresser, ni fric, ni réel pouvoir de décision, le seul que j’ai c’est celui de faire marrer les yôkai...jaune, du moins. Comme un somnambule, j’allume l’écran de l’ordinateur et ouvre mon navigateur. Le petit carré rouge m’avertissant d’un nouveau mail me provoque une nouvelle bouffée de stress et je clique à répétition dessus. Allez, ouvre, charge, putain !

“Kondo ? C’était la gosse ?”

“Non. Des emmerdes.”

La pièce jointe met quelques secondes à s’afficher et je reste immobile devant mon écran alors que l’idée se met doucement en place. Je dois la tuer. Comme ça. Sans raison.

“De sacrées emmerdes.”

Je me lève et repasse mon blouson en vitesse, avant de nouer ma dague autour de ma cheville - une petite trouvaille de Jun, qui juge qu’elle est plus facilement utilisable en poignard, planquée sous mon jean.

“Je sors. Ne bougez pas d’ici.”

“Ok, c’est vous qui payez.” Grogne la oni avant de se laisser lourdement tomber sur le canapé.

“C’est ça. Vous comprenez vite.”

Je descends les escaliers, direction Shinjuku, les pensées figées, prises dans un étau. Même si je prends sur moi, je suis à deux doigts de faire une bonne petite crise d’anxiété, là.

Ceci dit, mon kidnappeur est bien renseigné : effectivement, si quelqu’un peut l’abattre, c’est moi.

Mais assurer un intérim de tueur à gage, par contre, c’est pas vraiment moi. J’ai les mains qui tremblent rien qu’à cette idée.

Et malgré toute l’animosité tactique qui peut nous opposer, je me vois mal, très mal assassiner froidement Kokuen.

A SUIVRE...

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Source de l'image : quapan

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