Formidables... - Part 2
C’est encore à l’inspectrice Mariko que je préfère parler : elle ne se force pas à me sourire, n’essaie pas d’être gentille en me racontant des âneries.
Elle m’a bien dit que là, il fallait que je m’explique…
“Désolée de t’avoir fait attendre. Tiens.”
Elle me pose deux onigiri sur le bureau et une bouteille de thé glacé au citron, celui que je n’aime pas mais que Satoru boit tout le temps. Je relève pas.
“Bien. Je vais t’expliquer pourquoi tu es là.”
“Pas la peine. J’ai failli faire s’effondrer le toit de l’hôpital de Tokyo, ça doit être suffisant pour être convoquée, mon oncle a fini en cabane pour moins que ça. Vous allez me mettre en cellule ?”
Elle soupire et se masse la nuque.
“Non, Shinkin. Je ne vais pas te faire incarcérer, tu t’en doutes. Mais j’ai besoin que tu m’expliques. D’abord ton cousin dans le coma, plusieurs corps retrouvés sur les lieux, puis des disparus et maintenant l’hôpital Metropolitan qui manque s’effondrer. Les médecins m’ont dit qu’ils n’en croyaient pas leur yeux, personne ne comprend plus rien.”
“Vous m’avez dit qu’on avait été formidables avec Tetsuo et Ayane.”
“Si ce que tu m’as très brièvement expliqué est vrai, oui. D’ailleurs, je compte bien interroger tes deux camarades aussi.”
“Vous pourrez pas.”
Elle me fixe, l’air grave.
“C’est ce que j’ai cru comprendre, oui...Et ça aussi, Shinkin, j’ai besoin que tu me l’expliques. Je suis désolée, je sais que tu n’en as aucune envie - du moins ce n’est pas à moi que tu aimerais en parler - mais je ne peux pas te laisser sortir comme ça.”
“Je sais. Je suis plus une petite fille, si Satoru n’est plus là. Je suis responsable, il n’arrêtait pas de le dire.”
Les onigiri sont tout secs mais je mâche sans me plaindre, j’ai rien avalé ce matin, mon ventre gargouille.
“Oui. C’est vrai. Vous le croyez pas, hein ?”
L’inspectrice croise les bras et me dévisage. Elle ne sourit pas, ne fait pas de geste dans ma direction.
“Je t’écoute.”
***
“T’es sûre du coin, cette fois ? Ça fait trois fois qu’on revient !”
“Koto est grande, on fait au mieux. Et sans Tetsuo, on saurait même pas où chercher.”
Il soupire et range ses lunettes dans son sac. Depuis quelques mois, à force de les casser systématiquement, il a fini par laisser tomber et par mettre des lentilles.
“D’ailleurs je peux savoir pourquoi c’est moi qui ai dû fouiller le bureau de l’inspectrice ?”
“Parce que t’as l’air honnête.” Rétorque Ayane “Même si tu t’étais fait choper, ils auraient pas cru une seconde que t’étais venu espionner pour Shinkin.”
“Et c’est moi qui aurais été sanctionné.” Se renfrogne-t-il “Tu pourrais prendre les risques, ça changerait.”
“Hé ! C’est MOI qui suis allée foutre le bordel à l’entrée du poste pour occuper les deux flics de l’accueil et que TU puisses entrer ! Alors tes commentaires, tu te les gardes ! Et c’était une idée de Shinkin !”
S’ils finissent pas de s’engueuler, c’est sûr, on va encore tourner en rond pendant des heures avant de rentrer bredouilles.
Et j’ai déjà perdu trop de temps. Depuis que Satoru est à l’hôpital, le clan m’a mise à l’écart, la police aussi. L’inspectrice Mariko m’a dit que c’était pour me protéger.
Et j’ai été assez bête pour les croire. Pourtant, avec les semaines qui passaient, j’ai compris.
Ils y croyaient pas. Même okâ-san le cachait plus devant moi. Ils parlaient du nouveau maître, répétaient que j’étais trop petite pour le remplacer, qu’il fallait désigner quelqu’un d’autre...
Alors j’ai décidé d’aller chercher moi-même avec Ayane et Tetsuo. Tetsuo voulait pas, au début, il disait que c’était trop risqué puis en nous voyant rentrer, épuisées, en voyant que je dormais à peine et que j’écoutais rien ni personne, il a dit d’accord, tant que c’était le week-end. Moi je m’en fichais de sécher mais je pouvais pas demander aux autres de le faire aussi.
Encore des jours qui passent...Et déjà deux essais qui n’ont rien donné, à part me décourager, petit à petit.
D’après le GPS, on est dans une zone qu’on a pas encore examinée. Je clapse mon téléphone.
" Bon. On change de plan. "
" Tu veux dire qu’on va rentrer ? Chouette. " Persifle Ayane.
" Non, je veux dire qu’on va chercher quelque chose de moins évident qu’un yôkai ou un fantôme, qui se sont sans doute planqués ou sont noyés dans la masse des vivants. J’espérais que ce serait pas discret mais apparemment, ça l’est. Y’a rien. Faut trouver la moto. "
" La moto ? "
" Ben oui, à ton avis, Satoru est venu jusqu’ici comment ? Si j’ai bien compris, c’est moi qui m’y colle, Shinkin ? "
Ayane fait pas d’effort, elle est crevée et ça se voit. Depuis le début des recherches, elle touche chaque lampadaire, chaque poubelle, chaque mur, pour sentir les événements passés et futurs qui y sont rattachés. Même si elle est très forte pour ça, remonter plus de trois mois en arrière, elle a du mal. C’est pour ça que je réponds pas. Elle veut qu’on se dispute mais c’est pas le moment…Tetsuo sait plus comment la calmer, d’habitude, c’est lui qui prend alors ça doit lui faire bizarre de voir Ayane me chercher.
J’ai pas envie de me disputer.
Les griffures sur ma poitrine font mal. Mais j’ai pas le temps d’y penser. Je sais qu’on a pas le temps.
Je suis même pas sûre que Satoru soit ici, peut-être que j’oblige les autres à retourner toutes les pierres de Koto pour rien…
Et peut-être que j’ai aucun moyen de savoir s’il est là ou pas.
Peut-être que je vais rentrer sans lui et que je saurai jamais s’il est pas là, quelque part, à attendre qu’on vienne.
Peut-être…
" Shinkin ! Hé, tu m’écoutes ? On se déploie ? "
Ayane et Tetsuo me regardent, ils attendent. Ils ont pas discuté quand j’ai dit que je décidais. Tetsuo aime pas trop être le chef et Ayane, même si ça lui plaît pas, elle sait qu’elle aura pas le dessus. Alors elle se tait. Elle est en colère mais elle se tait. Je sens bien, quand je passe près d’elle, que son aura est en train de crépiter, comme du feu.
" On se déploie. "
Tetsuo sort ses fuda pour appeler ses shiki et Ayane enlève ses gants…Depuis presque un an, elle est obligée de les avoir tout le temps sinon c’est pas possible.
Et moi, je ferme les yeux. J’inspire.
Plus que de l’air, j’inspire tout ce qui se dégage des lieux, leur bruit, leur âme, leur aura, la vie, la mort qu’il y a dedans, toute l’énergie. Koto, c’est une banlieue calme mais pour une onmyôji, les endroits " calmes ", ça n’existe pas. Toutes les histoires laissent des traces et je dois trouver celle où il y a Satoru, remonter, comme une détective mais mes preuves à moi, on est pas beaucoup à les voir, on peut pas les ranger dans des sachets plastiques. Elles sont dans ma tête, dans mon karma…
Il y a des voix, plein d’émotions que je sépare des miennes, comme j’ai appris à le faire depuis que je suis toute petite.
Autour de moi, les shiki de Tetsuo rampent sur la route, grimpent le long des lampadaires, des dizaines de formes blanches avec des mains et des pieds, des visages lisses où un seul œil s’ouvre grand alors qu’ils se redressent. Ayane, elle, avance pas à pas, le long des murs, ses doigts touchent tout, les vieilles affiches qui se décollent, les grillages…
On écoute chacun avec nos " oreilles ".
Les deux autres fois, ça n’a rien donné et on était trop fatigués pour continuer.
Ici, un garçon est tombé…douleur…peur…il s’est sûrement cassé quelque chose et il est resté quelque chose de lui dans l’asphalte, comme une petite marque que je sens quand je passe dessus.
Là, deux filles se sont embrassées. Je crois que c’est des filles. Il y a comme de la chaleur et une envie de rire…
Je démêle.
C’est pas mes sensations, ni celles de Satoru.
Les yeux fermés, j’avance encore, le long de la rue, entre Ayane et Tetsuo. J’espère que personne ici n’est sensible à la magie ou il va faire des cauchemars pendant une semaine.
Là. Dans cette maison. Quelqu’un est mort, il y a peut-être une semaine, peut-être des années, c’est difficile à dire mais son âme a imprégné les murs avant de partir. C’est très fort, de la mélancolie...Il voulait pas s’en aller.
Je fais encore un pas et là, je le sens. Je rouvre les yeux, je suis à une intersection et mon cœur a sauté tellement fort que j’ai l’impression d’avoir retenu ma respiration.
“Il est passé ici...Il est passé ici !”
Je ne me suis pas trompée !
“Je suis d’accord.” Souffle Tetsuo “Il y a quelque chose.”
Son shiki s’avance, suivi par Ayane, qui pose les mains bien à plat sur la route. Elle ferme les yeux et lève la main vers la gauche.
“Par là. Il était pas seul sur la moto.”
“On l’aurait menacé ?”
“T’imagine Satoru se laisser menacer ? Il aurait répandu le yôkai sur le goudron et on pourrait le ramasser avec une raclette.” Souffle Ayane en haussant les épaules.
Moi, je sais que ça aurait pu. Satoru avait beau pas nous le montrer, je sais que certains lui font peur.
Gekkô.
Jun Murakami.
Son père.
Si un yôkai l’avait menacé, il se serait pas laissé faire mais il aurait pu céder...Je reprends ma marche, me cramponnant à la marque de sa moto, comme à un petit fil rouge. J’ai le cœur qui cogne, les mains qui tremblent mais il faut que je me calme ou le fil va se couper…
Et je vais le perdre.
Respirer, respirer, respirer et compter mes respirations, faire le vide dans ma tête, ne pas penser que j’avais raison ou que c’est gagné. J’entends à peine les pas de Tetsuo et Ayane mais je les sens près de moi, comme deux lumières qui éclairent mon dos et illuminent la route devant moi.
“L’aura te dit quelque chose, Shinkin ? Si on sait qui l’accompagnait, peut-être…”
“Non, je connais pas mais je suis presque sûre que c’est un yôkai.”
“Il l’aurait attaqué ?”
“Pourquoi pas l’avoir fait sur la moto ?” Demande Tetsuo “Moi c’est ce que j’aurais fait.”
Non, il ne l’a pas attaqué, je ne sens pas de peur ou de stress, aucune émotion forte qui aurait imprégné le fil rouge, rien d’autre que ces deux auras qui foncent sur l’asphalte...jusqu’à…
Mon ventre a rencontré quelque chose, comme une corde tendue. Je rouvre les yeux pour me rendre compte que je tente de passer un cordon de sécurité, entourant ce qui ressemble à un bâtiment abandonné, à demi effondré. Tetsuo, derrière moi, m’agrippe par derrière et m’attire derrière un amas de vieux cartons avant de me désigner la silhouette du policier, en train de marcher derrière le cordon. Ayane, couchée sur le bitume, remet ses gants.
“Pourquoi la police garderait un vieux truc comme ça ?”
“Parce qu’il y a eu des morts. C’est un scellé pour enquête en cours.” Murmure Tetsuo “Tu es sûre que c’est là, Shinkin ?”
“S’il y a eu des morts récemment, je vois pas où ça pourrait être. Et la moto est venue jusqu’ici.”
“C’est bien joli mais le flic va jamais nous laisser entrer.”
Je suis pas venue jusqu’ici, j’ai pas fouillé chaque centimètre de route pour abandonner aussi près...Et puis, un policier, c’est pas une grosse affaire. Celui-là n’a aucune aura magique et sait sans doute pas ce qu’il garde. Faisant signe à Ayane et Tetsuo de contourner le bâtiment, je sors mes fuda. Tetsuo m’attrape le bras et secoue la tête.
“Tu...Tu vas pas l’attaquer ?”
“Juste le neutraliser. Faites le tour et essayez de trouver la moto.”
“Et s’ils sont plusieurs ?”
Alors c’est foutu mais j’ai pas d’autre plan. Rien qu’à l’idée de ce que je vais faire, j’ai froid dans le ventre et je me dis que je suis folle. Mais il y a Satoru.
Personne d’autre le fera.
C’est ce qu’il dit tout le temps, qu’il faut le faire puisque personne d’autre le fera.
Alors…
Je me suis relevée sans même y penser, la main serrée fort sur mes fuda, les yeux fixés sur le policier. J’inspire un coup.
Puis je me mets à courir dans sa direction, pour pas réfléchir à ce que je suis en train de faire, pour pas qu’il ait le temps de comprendre ce que je fais. Il m’a vue et s’est figé, la main au-dessus de son arme, par réflexe. Je sais qu’il s’en servira pas.
“Shiki...SHUKUINDÔ !”
Mes fuda traversent l’espace qui nous sépare, s’allongent pour s’échouer finalement à ses pieds. Une sensation de chaleur me traverse alors que toute ma peau est parcourue de chair de poule. Le policier n’a pas le temps de bouger avant que mes shiki ne s’enroulent autour de ses jambes pour le paralyser. Il crie et je me campe un peu mieux sur mes jambes, respirant à fond pour ne pas perdre le contrôle de mes shiki. C’est comme être une marionnettiste, comme diriger des dizaines de serpentins de papier au bout de mes doigts. J’essaie de ne pas sentir la peur du policier ou ça va me déconcentrer. Et comme je pensais, il n’ose pas sortir son arme. Il doit penser qu’il devient fou…
J’ai pas le temps de m’en vouloir, j’ai pas le temps de lui dire que je suis désolée. Il comprendrait pas. Il essaie de repousser mes shiki, frappe sur sa poitrine pour les écraser. Mais c’est que du papier, ça ne sert à rien.
“Rin Pyô To Sha !”
Ils arrivent autour de son cou, près de son visage. Il ne bouge plus, la peur le suffoque complètement, je la sens, comme un étau autour de mes poumons. Je passe sous le cordon de sécurité et m’approche de lui avant d’attraper son arme de service et de la lui retirer. Il ne me tirera pas dessus...mais je préfère être sûre. La peur fait faire des choses idiotes, comme attaquer un policier.
“Pardon.”
D’une poussée, je le jette à terre, mes serpents lui bloquent même les bras, le plus gros s’est immobilisé autour de sa gorge. Prudemment, je range l’arme dans mon sac, pas question de la jeter n’importe où.
“Sécurité du territoire japonais. Ça va aller.”
Je l'enjambe et sors un autre fuda, que je place doucement sur ses yeux. Et il hurle. Je voulais pas que ça se passe comme ça, je le sens se débattre, donner des coups, déchirer mes shiki.
“Je ne vais pas...vous faire de mal !”
À deux mains, j’écrase le fuda sur son visage en récitant mon mantra et le sens pris de soubresauts de terreur pure. Je pèse sur lui de tout mon poids pour qu’il ne puisse pas me désarçonner et enfin, je sens sa conscience s’assoupir et tout son corps se relâcher. Moi, je suis complètement tendue et j’ai une boule dans le ventre. C’est la première fois que j’endors quelqu’un qui n’a rien fait.
“Shinkin…”
Je suis debout en moins d’une seconde, sur la défensive. C’est seulement Tetsuo, qui est aussi pâle que je le suis sûrement. Il se force à avaler et avance vers moi, le dos très droit.
“On a trouvé la moto. Y’a...Y’a pas d’autres policiers.”
“Parfait.”
Je tremble, même mes jambes sont pas sûres. Je dissipe mes shiki. Le policier ne bouge plus, il a presque l’air de dormir, il n’a sans doute pas compris ce qui lui arrivait…
Il croira à un cauchemar.
Les gens normaux oublient ce qui les arrange pas. La réalité ferait trop peur, sinon.
“La moto est en bon état ?”
“Elle a pris la pluie mais la police a l’air de l’avoir bâchée. C’est étonnant qu’ils l’aient pas emportée pour l’examiner.”
Connaissant la moto de mon oncle, non c’est pas étonnant du tout. Je me souviens du garagiste qui a voulu changer le pneu avant il y a six mois, il a promis à Satoru de lui casser la figure si jamais il ramenait “ça” encore un fois. Ils ont dû s’y mettre à trois pour lui sortir le bras du porte-bagages, y’avait de quoi s’énerver.
Ayane est déjà en train de travailler : les yeux fermés, les mains nues, elle touche lentement, centimètres par centimètres, le cuir de la selle, le guidon, les phares.
“Quelqu’un a essayé de monter dessus, quelqu’un d’autre que Satoru.”
Le pauvre. J’ouvre le porte-bagages, il n’y a rien d’autre que le casque et les gants de Satoru, les fuda de protection à l’intérieur sont complètement froissés et je sens encore, diffuse, son aura à l’intérieur. Donc, s’il n’a pas repris sa moto et a tout laissé là...Mon regard se tourne vers le bâtiment à moitié écroulé.
“C’est ici que ça se passe.”
“J’avais peur que tu dises ça.” Soupire Tetsuo.
“De quoi t’as pas peur, toi, de toute façon…” Rétorque Ayane “Le yôkai qui l’accompagnait a pas essayé de reprendre la moto non plus.”
“Il est peut-être resté là-dessous…”
“Alors s’il est encore vivant, il va pouvoir nous expliquer ce qui s’est passé.” Je retire les fuda de Satoru du porte-bagages et les glisse autour de ma cheville, dans l’élastique de mon mala “On y va.”
“Pas moi.”
Je m’attendais à ce que ça soit Tetsuo, qu’il demande qu’on aille chercher un responsable, quelqu’un, pour se rassurer. Il fait tout le temps ça, ça m’énerve autant que Satoru, il comprend pas que pour ce boulot, les responsables, c’est nous. Et là, il hésite. Mais c’est pas lui qui vient de refuser.
Ayane rabat sa capuche sur ses épaules.
“Ça pue, Shinkin, la mort, les esprits, je mettrai pas mes mains là-dedans et tu peux pas m’y obliger, tu m’y obligeras PAS !”
“Non, je t’y obligerai pas. Tu peux rester là si t’as peur.”
“Toi bien sûr, t’as jamais la trouille de rien, hein ? De toute façon, à toi il t’a montré plus de trucs qu’à nous. Ce que t’as fait au policier, nous on saurait pas.”
“Tu peux pas parce que t’essaies pas. Vous essayez pas, aucun de vous deux.” Je réponds, en sentant la boule de mon ventre qui devient toute dure.
“Arrête, Ayane. C’est nul de faire des reproches à quelqu’un qui est pas là pour y répondre.”
Tetsuo avance à la limite du bâtiment et regarde le pan qui tient encore debout avant de se tourner vers moi. Sans ses lunettes, il a l’air un peu plus sûr de lui, même si c’est qu’un air.
“Shinkin, t’es sûre qu’il est là ?”
“Oui !”
Non.
Mais s’il est pas là, alors…
Je veux y croire. La piste nous amène là, il y avait le policier, il y a la moto, c’est ici, je peux pas me tromper. Tetsuo baisse la tête.
“Alors je viens.”
“QUOI ? Tetsuo, t’es con ou quoi ? Vous allez mourir là-dessous, même si y’a rien, ça va s’effondrer ! Moi je viens pas en tout cas !”
“On a compris, Ayane. Reste là et fais le guet. Si jamais on remonte pas…”
Je sors mon téléphone portable et le lui pose dans la main.